Et le fond se fit forme…
Une des caractéristiques du travail d’Axelle du Rouret est son jeu avec la dimension du surgissement, de l’apparaître. Que ce soit dans ses premières œuvres où, sur un fond brumeux, des formes enfantines se matérialisent ou plus récemment dans ses portraits où quelques traits précis et économes viennent enserrer le vide pour faire jaillir un visage. Mystère du surgissement de la forme. A partir d’un fond constitué par la toile brute, préparée avec de la colle qui lui donne un aspect brillant et crée des lignes de directions qui accrochent la lumière, elle fait émerger, comme le potier donne une forme au vide qu’il crée par sa création, de l’espace ainsi défini des personnages dont les traits paisibles, souvent réduits aux contours, présentent une étrange consistance. Axelle du Rouret, comme Francis Ponge, s’intéresse à la Fabrique du Pré. Elle rend visible cette dimension pré-spéculaire qui hante toute image et que toute image a pour vocation de voiler. C’est dans l’évocation et la révocation, dans un même mouvement, de la chose au-delà de l’objet, que son travail artistique tire sa grâce, sa puissance de séduction et sa troublante sérénité, nous rappelant que si l’art n’est pas le réel, il ne saurait exister qu’à s’y tenir au plus près.
Jean Michel Vivès